L’EXEQUATUR AU MAROC : UNE PROCÉDURE POUR LA RECONNAISSANCE DES JUGEMENTS ET ACTES ÉTRANGERS.
Nous avons tous déjà eu affaire au moins une fois dans notre vie aux services d’une administration ou encore d’un tribunal dans le pays ou nous vivons, que ce soit pour l’obtention d’un simple document administratif, ou encore pour ester en justice afin de faire valoir nos droits.
–
Ce qu’il faut savoir, c’est que les actes et les jugements émanant de ces administrations et tribunaux ne sont pas toujours exécutables (juridiquement parlant) dans un pays autre que celui d’où ils proviennent.
De ce fait, et dans le but de faciliter l’exécution de ces actes et jugements, il a été mis en place par le législateur marocain une procédure essentielle permettant la reconnaissance et l’application de jugements ou d’actes émanant d’autorités étrangères sur le sol marocain.
Cette démarche revêt une importance significative pour les juristes marocains et étrangers, ainsi que pour les justiciables cherchant à faire exécuter des décisions prises à l’étranger au sein du Royaume du Maroc.
Cet article vise à éclairer les différentes parties concernées sur la procédure de l’exequatur prévue le droit marocain et ses implications.
Les questions qui se posent sont donc les suivantes : qu’entendons nous par l’exequatur ? Quelle est la procédure à suivre ? Quelles en sont les conditions de forme et de fond ? Et enfin quel est le délai approximatif pour son obtention ?
Tout d’abord il faut savoir que la procédure de l’exequatur au Maroc est clairement définie par l’article 430, 431 et 432 du Code de procédure civile.
L’exequatur peut être définie comme étant la procédure légale par laquelle un jugement ou un acte émanant d’une autorité étrangère est reconnu par les tribunaux marocains et est rendu exécutoire sur le territoire national.
De ce fait, l’article 430 mentionné ci-dessus énonce que :
« les décisions de justice rendues par les juridictions étrangères ne sont exécutoires au Maroc qu’après avoir été revêtues de l’exequatur par le tribunal de première instance du domicile ou de la résidence du défendeur ou à défaut, du lieu où l’exécution doit être effectuée.
Le tribunal saisi doit s’assurer de la régularité de l’acte et de la compétence de la juridiction étrangère de laquelle il émane. Il vérifie également si aucune stipulation de cette décision ne porte atteinte à l’ordre public marocain ».
L’on comprend donc que toute décision judiciaire, quelque soit la matière, ayant été rendue par une juridiction étrangère, doit obligatoirement être revêtue de l’exequatur afin qu’elle puisse être exécutable au Maroc.
Cela dit, le législateur marocain a prévu des conditions à la fois de forme et de fond pour obtenir l’exequatur :
Les conditions de forme.
Pour ce qui est des conditions de forme relatives à la procédure proprement dite, le demandeur d’exequatur est tenu de former une demande au président du tribunal de première instance compétent c’est-à-dire du lieu ou la décision de justice étrangère doit être exécutée, et de joindre à ladite demande ; Une expédition authentique de la décision ; l’original de la notification ou de tout autre acte en tenant lieu, un certificat du greffe compétent constatant qu’il n’existe contre la décision ni opposition, ni appel, ni pourvoi en cassation, et enfin une traduction complète en langue arabe des dites pièces certifiées conforme par un traducteur assermenté.
Le tribunal ayant été saisi de la demande doit s’assurer de la régularité des actes mentionnées ci-dessus, et s’assurer ensuite qu’aucune disposition de cette décision ne porte atteinte à l’ordre public marocain, ce qui nous amène à l’autre condition cette fois de fond établie qui est primordiale et dépend entièrement du pouvoir d’appréciation du tribunal saisi.
Les conditions de fond.
Le législateur marocain a soumis la reconnaissance par les tribunaux marocains de la décision de justice rendue par un tribunal étranger à la conformité et le respect des dispositions de cette décision à l’ordre public marocain. Le tribunal marocain a donc un rôle essentiel de contrôle de conformité à l’ordre public. Le tribunal marocain examine attentivement la demande d’exequatur et vérifie si les conditions requises sont remplies, et si l’ordre public marocain n’est pas atteint.
A titre d’exemple, l’article 128 du Code de la famille prévoit que :
« les jugements de divorce, de divorce judiciaire, de divorce par Khol ou de résiliation de mariage, rendus par les juridictions étrangères, sont susceptibles d’exécution s’ils sont rendus par un tribunal compétent et fondés sur des motifs qui ne sont pas incompatibles avec ceux prévus par le présent Code en vue de la dissolution de la relation conjugale. Il en est de même pour les actes conclus à l’étranger devant les officiers et les fonctionnaires publics compétents, après que ces jugements et actes aient satisfait aux procédures légales relatives à l’exequatur ».
Il en découle donc que les motifs ayant entraîné le divorce à l’étranger, ainsi que le dispositif de la sentence, ne doivent en aucun cas être contraire aux dispositions du Code de la famille marocain ou à l’ordre public d’une manière plus générale. Un jugement de divorce ayant émané d’un tribunal français compétent et ayant octroyé la garde de l’enfant à la grand mère paternelle alors que la mère et le père sont vivants majeurs et ne présente aucun défaut, ne peut être revêtu de l’exequatur au Maroc car contraire aux dispositions du Code de la famille marocain qui prévoit dans son article 171 que : « la garde est confiée en premier lieu à la mère, puis au père, et puis à la grand-mère maternelle de l’enfant ».
Exécution du jugement ou de l’acte.
Une fois que l’exequatur est accordé, le jugement ou l’acte étranger peut être exécuté au Maroc conformément à la procédure prévue par le droit marocain. Les autorités marocaines et les huissiers de justice peuvent prendre les mesures nécessaires pour l’exécution de la décision, en lui accordant la même force exécutoire qu’à une décision marocaine.
Temps estimatif de la procédure.
Le temps nécessaire pour obtenir l’exequatur peut varier en fonction de plusieurs facteurs tels que la complexité de l’affaire, la charge de travail du tribunal etc… En général, la procédure peut prendre moins d’un mois mais dans d’autres cas plus d’un an en raison des délais légaux et des éventuels recours possibles.
Maître BELBACHIR Ilias